Vie et mort d'un forfait Intox
De temps en temps, la DT se lance dans l'aventure du forfait. Enfin, elle essaye. Car il est
nettement plus facile de louer le premier gars venu en régie que de gagner un vrai projet. Cela
implique en effet de rédiger une réponse à un vrai appel d'offre, c'est-à-dire apporter une
solution à un problème en terme d'idées, de conception, et de moyens. En gros, il faut
comprendre et estimer le travail à faire puis réunir une équipe pour l'accomplir. Pas évident.
Pas pour l'équipe, ils l'ont généralement naturellement avec tous les gars en inter-contrat, il
suffit juste de trouver un chef de projet Intox. Non, le vrai problème, c'est de faire une bonne
proposition, la plus juteuse possible, et d'avoir l'affaire. Mais pour cela il faudrait des gens
vraiment compétent pour faire l'offre. D'un côté, il y a le commercial qui veut faire un
maximum d'argent et aussi se prémunir le plus possible en cas de mauvais coup. Il en vient
naturellement à gonfler de plus en plus les prix et les clauses de garantie. Celles-ci peuvent
aller très loin, presque jusqu'à "en cas d'explosion nucléaire sur Paris, Intox ne saurait être
responsable des retards pris". De l'autre côté, il y a les experts Intox ou d'ailleurs, qui comme
tous les experts ont un avis définitif sur l'affaire à ceci près qu'ils ne sont pas d'accord entre
eux. Il faut trancher, et le commercial devient prudent, trop évidemment car l'opération
échoue sans appel : un concurrent s'engage à tout faire (ce que ne proposait pas Intox) pour
1/3 de moins que le prix d'Intox.
Mais l'histoire aura duré des semaines et des semaines, Pierre Rance obligeant les gens en
inter-contrat à s'intéresser à la propal, les retenant pour rien le soir, surtout le vendredi…
Une fois connu l'échec, tous les gars promis au forfait sont dépités car ils espéraient enfin
pouvoir travailler et certains étaient très intéressés par le sujet lui même. Cinq minutes après,
les commerciaux rappliquent et reproposent n'importe quoi, l'inter-contrat classique reprenant
ses droits après cinq bonnes minutes de pudeur. A Intox, on est réactif !
Mais les gars en inter-contrat sont trop nombreux, et ça commence à jaser dans les hautes
sphères d'Intox, il faut donc que les commerciaux s'activent et trouvent des solutions. La
première des solutions évidemment, c'est de ne plus demander du tout au prestataire si la
mission sur laquelle on le propose, l'intéresse. Cela va de soit. La deuxième solution, c'est la
vente des bestiaux : un client demande un développeur en C ? Qu'à cela ne tienne, on lui en
amène 5 et il fait son choix. "Ils sont beaux mes consultants, ils sont beaux !!". Et on leur fait
passer un test en C et des entretiens individualisés. Y a plus qu'à choisir ! C'est tout juste si on
ne regarde pas leurs dents.
Pour ceux qui ne seront pas choisis, évidemment, c'est le retour à la ferme. Mais les
commerciaux sont très content de la méthode, très efficace. Ils essayent même de l'améliorer.
Par exemple, pour l'entretien programmé d'un prestataire, ils en amène un autre avec eux, au
cas où. "Toi, tu restes là, et durant la conversation, je vais essayer de parler de toi".
Evidemment, cela échoue immanquablement, faut pas trop prendre les clients pour des cons.
Et finalement, cela se finira à l'ancienne, on vous proposera une nouvelle mission de merde :
c'est pas vraiment ce que vous vouliez faire, un peu mieux que la dernière fois, et c'est
toujours aussi loin. Mais bon, vous pourrez respirer. Comme vous n'êtes plus un bleu, vous
savez qu'il est pénible et cause perdue de refuser (vous risquez en définitive de vous retrouver
avec une mission vraiment de merde), alors vous acceptez, en monnayant ça contre de
l'argent. Vous rentrez vraiment dans le système.