
On en vient au fond du sujet, le maître-mot de ces pages : la manipulation. Oui, les
commerciaux de la DT passent leur temps à essayer de manipuler les jeunes et inexpérimentés
prestataires. Ce ne sont généralement que des ficelles plus ou moins grosses mais qui misent
bout à bout, font un ensemble peu ragoûtant et finalement, vous ne pouvez plus parler à ces
gens là sans être un minimum paranoïaque, car vous savez que tout ce que vous dites pourra
être retenu contre vous. Ils adorent faire parler. Ca permet de savoir ce que vous pensez et,
ainsi, prévenir d'éventuels dangers de démission et vous manipuler plus aisément. Et puis
aussi, ça a le grand mérite de vous donner l'impression d'être écouté : ça n'est pas cher donné
que de laisser parler les gens, c'est la meilleure des thérapies. Cela veut dire que si vous dites
une énorme connerie, il ne faut pas espérer être rappelé à l'ordre comme le ferait un ami, un
prof ou un membre de votre famille. On vous dira « oui, machin, on te comprend ». On pourra
même dire ce que vous voulez entendre à vos amis dans l'espoir qu'ils vous le répètent. (C'est
gros comme une maison, c'est assez rigolo à voir). Les commerciaux aussi se succéderont
dans les discussions avec vous, chacun faisant plus ou moins mine de ne pas être au courant
du problème, une ficelle qu'ils apprécient particulièrement. Tout ira bien jusqu'à ce que vous
insistiez dans une connerie qui va à l'encontre des intérêts d'Intox. Pas forcément une connerie
d'ailleurs... Un truc du genre : « Non je m'en fout, je veux pas aller à cet entretien, ça
m'intéresse pas, c'est pas ce que je veux faire ». A ce moment là, les commerciaux vous
montrent leur vrai visage de grands manipulateurs. On essaiera tout d'abord de vous
déstabiliser en vous gueulant un peu dessus, en vous rappelant vos quatre vérités (tu es en
inter-contrat, tu ne rapportes rien, tu étais d'accord lors de ton embauche, etc.). Ensuite, on
vous caressera dans le sens du poil pour essayer de vous récupérer : Pierre Rance, sacralisé
comme le grand patron, viendra lui-même vous parler et vous racontera sa vie. Déstabilisé,
vous en sortirez avec le sourire d'un employé à qui le patron vient de parler comme à un ami.
Ensuite, on jouera le jeu de la famille réunie avec plein de grandes promesses d'arracheurs de
dents : l'essentiel étant sauvé, vous acceptez de faire ce que vous ne vouliez pas il y a encore
peu. L'essentiel, c'est le présent. Intox, comme beaucoup d'autres boîtes, résonne sur le seul
présent. On arrive à vous convaincre de faire ça? Excellent! On se fiche d'hypothéquer
l'avenir en suscitant en vous de la rancœur, on verra bien plus tard pour rattraper le coup avec
d'autres ficelles, voire un peu d'argent. Généralement, le commercial qui traite avec vous s'en
fout d'autant plus du futur de la boîte qu'il est présentement impliqué dans l'affaire, et qu'il
joue lui-même son avenir sur ce présent. Il fait son blé sur vous, c'est tout. Vos états d'âme
passés, présents ou avenirs sont annexes.
Si par contre vous êtes tenace et que les caresses ne suffisent pas, alors là on passe à un autre
niveau : le lavage de cerveau. Vous aurez réunion sur réunion de programmées avec tous les
commerciaux où à chaque fois vous aurez à vous expliquer et à répéter comme à
l'interrogatoire. Le pire, c'est le côté psychologique. Car Pierre Rance se croit un grand
psychologue et il voudra vous faire parler. Sa technique : se poser en face de vous et vous
regarder sans parler. Il vous pose de temps à autre des questions personnelles sur votre
comportement. Vous bafouillez, il vous coupe et vous assène -sans appel- sa vérité,
complètement à côté de la plaque ou extrêmement réducteur selon le cas. Vous ne pouvez pas
le convaincre du contraire, c'est lui le chef.
De cette pression qui s'exerce sur vous, vous ressortez en miettes ou, au minimum, fatigué.
Car c'est éprouvant d'être dans un environnement hostile sans avoir rien à foutre, sans pouvoir
faire les preuves de ses compétences et des fondements de son ambition. Vous n'en pouvez
vite plus et vous voulez sortir d'ici, par n'importe quel moyen. Alors bien sûr il y a la
démission, mais vous êtes pas bien en état de chercher du boulot. Vous êtes très énervé contre
les SSII, et avec pas mal de rancœur. Et puis chercher du boulot, c'est pénible, ça prend du
temps à faire et à se concrétiser. Pour vous reposer, vous pouvez bien sûr prendre des congés.
Naturellement, on vous y encourage : « Allez, repose-toi bien, machin ! Et reviens-nous en
forme... ».